De Persimmon à confiné, itinéraire d’un enfant d’Internet
Notre vie sociale, nos emplois, l’éducation de nos enfants, nos interactions ne tiennent plus qu’à un fil : celui de la fibre. Peu de gens…
Sur le plateau du JT de David Pujadas sur LCI en 2000.
Notre vie sociale, nos emplois, l’éducation de nos enfants, nos interactions ne tiennent plus qu’à un fil : celui de la fibre. Peu de gens pourraient concevoir ce que serait le confinement sans ce qui nous lie plus que jamais les uns aux autres : Internet.
Le jour où j’ai découvert Internet
Etudiant à l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence, j’ai eu la chance de faire un échange universitaire à l’Université de Columbia à New York City. Passionné de programmation que j’étais depuis l’âge de 15 ans, mes parents étaient à cette époque allés jusqu’à supprimer l’ordinateur de la maison familiale pour éviter que je passe à côté de mes études supérieures : ils ne comprenaient pas. A Columbia, il y avait une salle un peu magique, une salle où il y avait Internet. Sur le tableau était inscrit un mot de passe pour y accéder : “Persimmon”. Je n’oublierai jamais cette expérience ; un coup de foudre entre le HTML et moi, le début d’une grande histoire et de mes choix de carrière. Après mes parents, ce sont mon entourage et mes professeurs qui ne me comprenaient pas : nous étions loin de la bulle Internet. Persimmon est désormais le nom de ma société d’investissement, dédiée aux start-up de l’innovation.
Nerd avant l’heure
À la sortie de mes études, j’ai cherché à combiner ma passion pour le Web à un métier rémunérateur : les “big fives” recrutaient dans le secteur, j’ai pris celui qui payait le mieux. Et là, déception ; l’offre numérique était affichée sans missions tangibles derrière. C’est alors que j’ai découvert le projet de Bernard Arnault : “Zebank”, une banque en ligne révolutionnaire. La plus grande fortune aura été pour le moins visionnaire, et d’ailleurs un peu trop, trop en avance sur son temps. Cette expérience m’aura permis de rencontrer et côtoyer ceux qui allaient au lendemain devenir les plus grands noms d’Internet en France.
En parallèle, j’ai participé avec quelques copains à la réalisation d’un site parodique d’incubateur, kasskooye.com. La machine s’est emballée, nous devenions le premier exemple de marketing viral en France. C’est aussi le souvenir de mon premier plateau TV, invité du journal télévisé de David Pujadas du haut de mes 25 ans.
Après “Zebank”, j’ai saisi une offre chez eDreams, scale-up financée à hauteur de 40 millions d’euros par des grandes sociétés de capital-risque américaines. L’équipe venait tout droit de San Francisco et le siège y avait été choisi à Barcelone pour attirer les talents de la Silicon Valley en recherche d’Europe et de soleil, de plages et de coût de la vie accessible.
Après quelques autres expériences, je suis finalement revenu au conseil qui avait désormais de belles opportunités pour des profils comme le mien : l’occasion de rejoindre comme cofondateur le cabinet de conseil en innovation Elia, devenu en un temps record un leader côtoyant sur les problématiques de transformation digitale les fameux “big fives” dans les classements faisant foi dans le métier.
De l’avènement de la toile
Internet est utilisé par le grand public depuis 1994, mais n’a réellement connu son essor qu’à partir du milieu des années 2000. Initialement accessible à un nombre réduit d’utilisateurs dans un petit nombre d’entreprises et d’universités, dont Columbia où j’ai passé un été, il aura fallu attendre l’ADSL pour véritablement démocratiser son accès. En 2017, selon Internet World Stats, ce n’était pas moins de 92,6% des Français qui en étaient désormais équipés, là où seuls 14,4% de ces derniers l’étaient en 2000. En 2018, chaque jour, 24,3 millions d’utilisateurs consultaient Internet sur un smartphone, tandis que 32,7 millions utilisaient quotidiennement des applications mobiles.
Mais certaines résistances persistaient toujours face à Internet : le milieu social, le lieu de vie et l’âge, ce que l’on appelle la fracture numérique. Depuis 2013, les gouvernements successifs ont compris l’intérêt de réduire cette fracture en France et ont mis en place une ambition avec le “Plan France Très Haut Débit” (PFTHB).
Internet au service du bien commun
J’ai la chance de joliment vivre de mon travail grâce à Internet. J’ai donc souhaité le rendre à la société et mettre mon expertise acquise dans le secteur privé au service du bien commun et de l’intérêt général, et de là auprès de quoi tout commence : l’éducation qui m’est chère. J’ai donc récemment été coach de start-up d’État au sein de beta.gouv, rattaché au ministère de l’Éducation nationale, en parallèle de mes diverses activités. En un temps court, nous sommes parvenus à lancer un réseau apprenant pour les enseignants de classes à 12 au sein des réseaux d’éducation prioritaires (REP, anciennement appelés ZEP), encore grâce au numérique.
Le confinement, Internet pour tous ?
Mars 2020, nous voilà confinés. Nos vies sociales, nos emplois, l’éducation de nos enfants et nos interactions ne tiennent plus qu’à un fil : celui de la fibre.
Si le ministère de l’Éducation nationale a mis en place un partenariat avec La Poste pour permettre aux établissements scolaires et enseignants d’envoyer des cours et travaux aux élèves sous format papier, il y a eu de nombreuses initiatives de collectivités territoriales et d’établissements pour la plupart publics telles des universités, pour équiper gratuitement un maximum de leurs étudiants parmi lesquels certains vivent dans des situations économiquement précaires. Cela a par exemple été le cas avec l’Université de Montpellier qui, main dans la main avec le rectorat et Hewlett-Packard, a massivement équipé ses jeunes.
Par ailleurs, si certains aînés faisaient encore résistance à l’usage d’Internet : nombre de personnes âgées ont pu découvrir et apprendre en un temps accéléré les joies d’applications comme Whatsapp ou encore les interactions par vidéos interposées, grâce aux matériels fournis par des EHPAD comme des tablettes.
De Persimmon à confiné, itinéraire d’un enfant d’Internet
Alors que ce confinement sera tout prochainement progressivement levé, je repense donc aujourd’hui au tableau sur lequel était écrit “Persimmon” ; sésame pour une ouverture, un accès quasiment illimité sur le monde, et ce à portée de mes doigts. Internet ne m’aura plus jamais quitté.
Je me souviens avec émotion de mon premier séjour dans la Silicon Valley dans les années 90, bien qu’elle ait depuis développé certains travers que je ne cautionne pas toujours. Internet a bouleversé le monde, et bousculé, plus modestement, ma trajectoire professionnelle.
Si je me préparais au beau métier de journaliste, j’ai finalement fait carrière dans le numérique : Internet m’aura offert un parcours professionnel dans lequel je m’épanouis un peu plus chaque jour, de Persimmon à aujourd’hui.