Pour en finir avec l’«IA washing» et l’«IA bashing»
A cause de l’imposture de sociétés peu scrupuleuses, nombreux sont les fonds de capital-risque pour qui l’intelligence artificielle est…
A cause de l’imposture de sociétés peu scrupuleuses, nombreux sont les fonds de capital-risque pour qui l’intelligence artificielle est devenue repoussoir. Mais l’IA, grâce à ses dernières avancées, peut toujours donner naissance à une quatrième révolution industrielle.
L’intelligence artificielle (IA) est un terme galvaudé. Concrètement, l’expression fait aujourd’hui principalement référence à deux technologies : le «machine learning» et le «deep learning». Celles-ci n’ont rien de magiques et sont relativement accessibles, la plupart des algorithmes existants en «open source» et les infrastructures de calcul nécessaires étant abordables, via le «cloud computing».
Ces deux technologies, pour fonctionner, nécessitent en réalité principalement des données numériques, certes en grand nombre, mais surtout propres et normalisées. Dans un grand élan d’«IA washing», nombre de sociétés peu scrupuleuses ont rivalisé de promesses au moindre algorithme utilisé sans pourtant posséder cette matière première vitale.
Sous couvert d’entraînement, de multiples start-up ont ainsi simulé l’intelligence artificielle en recourant à des humains en coulisses, ce qui a abouti à de nombreuses désillusions une fois le pot aux roses découvert. Une forme de retour du Turc mécanique en somme, célèbre canular de la fin du XVIIIe siècle où un faux automate jouait aux échecs manipulé par un marionnettiste dissimulé. Il donne d’ailleurs ironiquement son nom à MTurk.com, la plate-forme de micro-tâches d’Amazon proposant de mettre en relation les entreprises et une main d’oeuvre mondialisée et bon marché, bien connue des usurpateurs.
En conséquence, malgré un engouement médiatique toujours aussi fort, pour nombre de fonds de capital-risque une jeune pousse s’affirmant de l’intelligence artificielle ne sera plus prise au sérieux, ni perçue comme un investissement solide. Pourtant, l’IA représente réellement une possible quatrième révolution industrielle tant les potentialités d’applications sont vastes, même si encore balbutiantes.
Opportunités économiques
L’intelligence artificielle fait fantasmer. Elle est dans les médias trop souvent traitée sous des angles sociétaux ou philosophiques, manichéens et tenant plutôt de la science-fiction, rarement économiques. Il est de bon ton de pratiquer l’«IA bashing» ces jours-ci. Pourtant, son réel potentiel devrait nous pousser à ne pas rater le coche d’une révolution à forts impacts technologiques et économiques, tangibles.
Le gouvernement français semble l’avoir saisi, comme le montre sa Stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle portée par le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Action publique, malgré une zone d’ombre persistante même si évoquée : l’accès à des données numériques de qualité et leur interopérabilité, autour de référentiels partagés.
Mais pour cela, il sera nécessaire de mettre autour de la table experts du numérique des organisations publiques, pour une impulsion politique, et les experts de la data des grandes entreprises françaises, à l’image ce qu’ont fait les Etats-Unis en matière de santé. Les Gafa, mais aussi Salesforce, Oracle et IBM y travaillent ainsi à réduire les obstacles à l’interopérabilité des données, grâce à un système ouvert d’API (interface de programmation applicative) basées sur une norme commune.
L’intelligence artificielle, quand son expression n’est ni galvaudée, ni fantasmée, représente un tournant majeur dans l’évolution technologique effrénée que nous connaissons en ce début de XXIe siècle. Rater cette révolution desservirait assurément notre souveraineté numérique, et nous éloignerait de potentialités économiques dont nous ne mesurons pas encore la portée.
Tribune initialement parue dans Les Echos le 21/01/2020 : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-pour-en-finir-avec-lia-washing-et-lia-bashing-1164690